Pourquoi ce qu’a dit JK Rowling est transphobe

Katy Montgomerie
4 min readJun 17, 2020

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Ce texte est une traduction de mon article original, rédigée par Flyingwill.

Si le sexe n’est pas réel, alors l’attirance entre les personnes de même sexe n’existe pas. Si le sexe n’est pas réel, alors la réalité vécue par les femmes du monde entier est effacée. Je connais des personnes trans et je les aime, mais effacer le concept de sexe enlève à de nombreuses personnes la possibilité de parler concrètement de leur vie. Il n’y a rien de haineux à dire la vérité.

Le sexe est réel. En tant que femme trans très engagée dans la communauté et qui connaît des centaines de personnes trans, je n’ai jamais entendu aucune personne trans ni aucun·e expert·e de la question affirmer ni même insinuer le contraire. De fait, les personnes trans connaissent mieux que quiconque cette réalité, car elles ont souvent fait face toute leur vie à la dysphorie que provoquent chez elles leurs diverses caractéristiques sexuelles, et aux réactions qu’elles suscitent chez les autres. Comme presque toutes les personnes trans à qui j’ai parlé, j’ai dû éduquer des médecins et des infirmières qui ne savaient pas comment notre biologie fonctionne, simplement pour avoir accès à des soins élémentaires. C’est l’une des principales revendications des personnes trans du monde entier : une meilleure compréhension de leurs corps et de la biologie.

Alors pourquoi a-t-elle dit cela? Pourquoi quiconque dirait-il cela? Il s’agit d’un procédé rhétorique typique de la mouvance « Gender Critical » (ou anti-trans), qui vise à créer un faux dilemme : soit on appuie les droits des personnes trans, soit on accepte tel quel tout le domaine de la biologie. L’argument se résume ainsi : « si l’on appelle les femmes trans des femmes, alors on ne peut discuter ni de sexisme contre les femmes, ni de sexualité ». Sauf que c’est exactement l’inverse de la vérité. Les femmes trans subissent chaque jour du sexisme misogyne et des violences sexuelles précisément parce qu’elles sont des femmes. Les lesbiennes trans du monde entier subissent une homophobie/lesbophobie systémique et ordinaire. Ce sont là des faits observables. Après tout, vous demandera-t-on votre certificat de naissance avant de vous agresser sexuellement? Non. Et si nous ne sommes pas autorisé·e·s à décrire cette réalité, comment pouvons-nous nous attaquer à ces problèmes?

Toute cette question s’articule autour d’une volonté d’étiqueter les femmes trans comme étant des hommes pour mieux leur retirer les droits dont elles jouissent actuellement. Au Royaume-Uni, le pays où JK Rowling et moi vivons, les femmes trans utilisent les espaces réservés aux femmes depuis bien avant notre naissance, et elles bénéficient d’une protection légale à cet égard depuis plus qu’une décennie (et cela n’a jamais été illégal auparavant; il n’y avait simplement aucune loi sur cette question). Certaines personnes viennent seulement d’apprendre l’existence des personnes trans parce que les médias en parlent de plus en plus, et elles n’aiment pas ça.

Les gens qui s’opposent aux droits des personnes trans savent très bien que s’ils disaient « nous voulons retirer aux personnes trans leurs droits et leurs libertés », leur discours odieux ne passerait pas. Alors, tout comme lorsqu’on parle de « réalisme racial », l’objectif est de trouver une réalité biologique que l’on peut utiliser pour affirmer « je ne suis pas transphobe, je répète simplement ce que dit la science ». C’est aussi beaucoup plus simple de convaincre les gens si vous avez l’air de « dire la vérité » plutôt que d’exprimer une opinion. Les arguments les plus fréquents ? « Les femmes trans ne peuvent pas être des femmes parce qu’elles ont des chromosomes XY » ou « n’ont pas les bons gamètes », ou même « si vous êtes né avec un pénis, vous êtes un homme ». Tout d’abord, ne faisons pas comme si cela suffisait à justifier de leur retirer leur liberté et leur sécurité : vos chromosomes ne vous protègent pas du harcèlement sexuel qui vient avec le fait d’être une femme. Mais le plus important, c’est que c’est scientifiquement faux. Il n’existe aucune caractéristique propre à toutes les femmes cis (c’est-à-dire non trans) qu’aucune femme trans ne possède. Le sexe ne se résume pas à une case « H/F » bien cachée quelque part dans l’ADN. C’est un ensemble extrêmement complexe de caractéristiques pouvant présenter toutes sortes de variations qui veulent dire toutes sortes de choses différentes pour toutes sortes de gens. Il suffit souvent d’une recherche de quelques secondes sur Google pour trouver des contre-exemples évidents à n’importe quelle définition qu’on vous donnera, même la plus stricte.

Les personnes trans, les personnes intersexes, les féministes, les professionnel·le·s et expert·e·s de la santé partout dans le monde — toutes ces personnes ne disent pas que « le sexe n’est pas réel »; elles disent que « le sexe est plus compliqué que ce qu’on vous a appris à l’école », et c’est un fait. Le sexe est réel et, comme tout phénomène biologique, il est incroyablement complexe. Elles disent aussi que « le sexe et le sexisme ne se résument pas à “XY = privilège” ». Le sexisme misogyne existe bel et bien et il touche la moitié de la population mondiale. Nous devons pouvoir en parler et nous avons besoin des mots pour le faire. Une définition de la « femme » qui exclut les femmes trans et intersexes n’est pas seulement vaine, elle est intrinsèquement malveillante. Elle ne s’intéresse ni aux preuves, ni à la science, pas plus qu’elle ne vise à mettre fin au sexisme. Elle sert uniquement à justifier le postulat selon lequel « les femmes trans sont des hommes ». Dire que les femmes trans sont des femmes n’est pas un postulat, c’est la conclusion à laquelle mènent les preuves. S’il vous plaît, ne tombez pas dans le panneau.

En insistant pour que nous traitions le sexe comme une réalité binaire et immuable reposant sur des caractéristiques invisibles, vous refusez à de nombreuses personnes la possibilité de parler concrètement de leur vie.

Joyeux mois des Fiertés

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Katy Montgomerie
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Written by Katy Montgomerie

Katy is a feminist, LGBT rights advocate, atheist, metalhead, insect enthusiast and trans woman

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